2017: Julia rencontre Sam dans une soirée avec des amis. Ils commencent à se voir régulièrement. Le vendredi soir, ils regardent un film en mangeant de la pizza. Ils s’aiment.
Sam aménage chez Julia: enfin ils auront plus de temps ensemble. Les mois passent. Sam demande souvent à Julia où elle va, il demande l’accès à son GPS. « Il s’inquiète pour moi », se dit-elle. Il fait parfois des commentaires passifs-agressifs sur les amies de Julia, sur sa famille. Il fait des remarques sur son apparence et aimerait qu’elle fasse plus attention à ce qu’elle mange. Il le dit avec humour, à la blague. Julia se pose des questions: peut-être que Sam a raison?

2018: Julia tombe enceinte. Pour elle, c’est une belle surprise, une nouvelle étape de vie. Pour lui, c’est une perte de contrôle. Julia doit arrêter de travailler pour des raisons de santé, et elle n’est pas éligible au Régime d’assurance parentale. La tension monte dans le couple, car Julia est anxieuse et n’a pas de libido. Elle se sent coupable de ne pas être à la hauteur. Sa confiance en elle est au plus bas. Sam prend le contrôle des finances du couple, comme il est le seul à travailler. Il se fâche et crie, quand Julia sort s’acheter un chocolat chaud au café du coin sans l’aviser. Il lui fait des menaces «pour ne pas que ça se reproduise».

2019: Julia accouche d’Anthony, le plus beau bébé du monde. Sam se sent à l’écart, car il n’a pas la relation qu’il voudrait avec son enfant. Il s’impatiente, il perd son calme. Il lance une chaise.

Quand il s’impatiente envers son fils, Julia décide que c’en est trop, et se rend chez sa sœur, en pleurs. Sam texte Julia, s’excuse. Il lui dit comment il l’aime et ne veut pas la perdre. Elle décide de le rencontrer. Il s’explique. « C’était une période difficile, ça ira mieux. » Il semble très sincère. Elle retourne vivre à l’appartement.

Les mois passent, et tout va bien. Sam s’est adouci. Un soir, Sam exige une relation sexuelle. Julia accepte, elle ne veut pas s’obstiner. Sa santé mentale en prend un coup. Elle doit s’occuper d’Anthony, elle s’oublie. « Tu te négliges », commente Sam.

2021: Julia a peu de contacts avec sa famille depuis la pandémie. Elle est distante avec son entourage. Isolement physique, isolement psychologique. Sam redevient violent verbalement, et Julia n’a plus d’énergie. Les ressources et la volonté manquent. Si elle reste avec Sam, elle aura un toit, mais continuera de vivre dans la peur, la culpabilité, l’angoisse. Si elle le quitte, elle perd tous ses repères et doit repartir à zéro, vivre chez sa sœur ou des amis, complètement dépendante des autres. Et il y a Anthony…

La violence conjugale existe sous de multiples formes et apparaît souvent graduellement. Julia est fictive, mais représente ce que trop de femmes vivent au Québec. Une recherche menée de 2020 à 2022 (1), démontre que la violence conjugale a augmenté selon la trajectoire de la pandémie au Québec.

Cette recherche explique comment l’isolement créé par les mesures de confinement et les pertes financières causées par la pandémie de COVID-19 ont fait augmenter les cas de violence conjugale dans les foyers. On constate une plus grande détresse psychologique (dépression et anxiété sévère, voire idéations suicidaires).

Par le fait même, la pénurie de logements est un autre facteur aggravant au Québec. « Disposer d’un logement abordable et de qualité est essentiel pour la santé, l’accès à l’emploi et le bien-être. Le manque de logement a des effets sur d’autres enjeux, comme l’insécurité alimentaire, la santé mentale, l’endettement, la détresse et même la violence, qui touchent les familles. »(2)

« Insidieusement, la violence conjugale dont les femmes sont (...) les principales victimes des formes les plus sévères, est souvent la source de nombreux drames qui leur fait craindre pour leur sécurité ou pour leur vie. »(3)

Nombreux sont les organismes qui viennent en aide aux femmes au Québec, que ce soit pour réduire les risques et violences, pour de l’hébergement d’urgence ou, encore, comme Mères avec pouvoir, pour leur permettre de mieux s’épanouir sous plusieurs aspects de vie. Ces organismes sont au premier rang pour connaître les besoins sociétaux et développer des pistes de solutions pour réduire la violence dans les foyers. Les services offerts par ces organismes peuvent réduire la violence conjugale à la source, en brisant l’isolement, en offrant du soutien psychosocial ou en offrant, pour certains organismes, du logement social.

Bien que Mères avec pouvoir ne soit pas un organisme spécifiquement dédié aux victimes de violence conjugale, celui-ci contribue à réduire les risques et à répondre aux besoins des femmes et de leurs enfants. Les résidentes peuvent y développer leurs projets personnels et s’épanouir pleinement, dans un environnement sécuritaire et sain.

Nous avons sondé au printemps dernier les résidentes de Mères avec pouvoir, et celles-ci nous ont affirmé avoir maintenant un meilleur sentiment de sécurité global qu’à leur arrivée à l’organisme. Nous avons également sondé nos partenaires locaux, qui indiquent qu’un organisme comme Mères avec pouvoir dans un quartier permet à la fois de briser l'isolement, de fournir un soutien psychosocial aux mères, d’offrir un environnement structurant ou encore, permet aux mères d’économiser et de rééquilibrer leurs finances (4)(5).

Développer des projets en collaboration avec des organismes, développer le logement social, consulter les organismes, investir dans celles-ci, prendre en considération le logement social dans les projets immobiliers… Voici quelques exemples d’actions pouvant réduire directement et indirectement la violence faite aux femmes dans les foyers, qui inquiète plus que jamais au Québec.

En déployant des efforts pour améliorer les différents aspects de la vie des femmes, on réduit les risques. Mères avec pouvoir est un bon exemple démontrant qu’il ne s’agit pas seulement d’intervenir au niveau psychosocial, familial, relationnel, financier ou socioprofessionnel, mais bien qu’il s’agit d’intervenir à tous ces niveaux en même temps, pour permettre aux femmes de s’en sortir. Les municipalités, le gouvernement, les employeurs, les promoteurs, les institutions ont tous un rôle à jouer pour permettre aux organismes de mieux réaliser leur mission et, par le fait même, réduire le nombre de victimes.

Si vous avez des questionnements par rapport à un proche, si vous avez besoin d’aide ou si vous cherchez un moyen d’aider, nous vous invitons à consulter le site web de SOS violence conjugale: https://sosviolenceconjugale.ca/fr, ainsi que les sources citées dans cet article.

Sources: (1) Violence conjugale subie par les femmes en temps de pandémie : une enquête qui en dit long, A. Pelletier, M-A. Picard-Turcot et A. Therrien (sous la supervision de Mélissa Généreux). 2022. Université de Sherbrooke. Lien URL: https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/details/47505
(2) S’unir pour obtenir des logements abordables, Isabelle Delorme.5 novembre 2022. Le Devoir. Lien URL: https://media1.ledevoir.com/economie/767781/s-unir-pour-obtenir-des-logements-abordables
(3) Signes vitaux du Grand Montréal - Femmes et filles du Grand Montréal, Fondation du Grand Montréal. 2022. p. 27.
(4) Questionnaire rempli par 6 résidentes de Mères avec pouvoir au printemps 2022
(5) Questionnaire rempli par 10 partenaires locaux de Mères avec pouvoir au printemps 2022
Source additionnelle: Se soucier, bâtir et prendre soin. Marie-Ève Desroches et Chloloula. 2022. Idem. Lien URL: https://matheseenbd.wordpress.com/